L’encadrement des loyers constitue aujourd’hui l’une des mesures phares de la politique du logement en France. En 2025, ce dispositif expérimental s’étend progressivement à de nouvelles métropoles, touchant désormais 71 communes et impactant directement des millions de locataires et propriétaires. Entre extension territoriale, renforcement des contrôles et nouvelles restrictions liées aux passoires thermiques, l’année 2025 marque un tournant décisif pour la régulation locative française. Cette mesure, initialement testée à Paris en 2019, suscite encore des débats passionnés entre défenseurs du pouvoir d’achat des locataires et partisans de la liberté contractuelle des propriétaires.
L’encadrement des loyers en 2025 : état des lieux complet
Qu’est-ce que l’encadrement des loyers ?
L’encadrement des loyers est un dispositif réglementaire qui limite la liberté de fixation des loyers par les propriétaires dans certaines zones géographiques. Instauré par la loi ELAN de novembre 2018 à titre expérimental jusqu’en novembre 2026, ce mécanisme vise à lutter contre la hausse excessive des loyers dans les zones où la tension locative est la plus forte.
Concrètement, l’encadrement fonctionne selon trois niveaux de référence :
- Le loyer de référence : prix médian au mètre carré observé dans la zone
- Le loyer de référence minoré : loyer de référence diminué de 30%
- Le loyer de référence majoré : loyer de référence augmenté de 20%, constituant le plafond à ne pas dépasser
Les 71 communes concernées en 2025
Début 2025, l’encadrement des loyers s’applique dans neuf territoires regroupant 71 communes, représentant plusieurs millions d’habitants. Cette extension progressive témoigne de l’appropriation croissante de cet outil par les collectivités locales face à la crise du logement.
Les territoires actuellement concernés incluent des métropoles majeures comme Paris, Lyon, Lille, Bordeaux, Montpellier, ainsi que des intercommunalités franciliennes (Plaine Commune, Est Ensemble) et des zones touristiques comme le Pays Basque. La dernière extension en date concerne Grenoble-Alpes Métropole, entrée en vigueur le 20 janvier 2025, ajoutant 21 communes supplémentaires au dispositif.
Fonctionnement et calcul de l’encadrement des loyers
Les critères de détermination des loyers de référence
L’établissement des loyers de référence repose sur une méthodologie rigoureuse menée par les observatoires locaux des loyers agréés. Ces références varient selon plusieurs critères :
- Le nombre de pièces principales (T1, T2, T3, T4+)
- L’époque de construction (avant 1946, 1946-1970, 1971-1990, après 1991)
- Le type de location (vide ou meublée, avec majoration pour le meublé)
- La localisation précise (quartier, arrondissement, secteur géographique)
Le complément de loyer : exception encadrée
Dans les villes soumises à l’encadrement, les propriétaires peuvent appliquer un complément de loyer si leur logement présente des caractéristiques exceptionnelles. Ce complément permet de dépasser le loyer de référence majoré, mais il doit être justifié par des éléments de confort ou de localisation particuliers.
Toutefois, depuis août 2022, aucun complément de loyer ne peut être appliqué aux logements classés F ou G au diagnostic de performance énergétique (DPE), mesure renforcée dans le cadre de la lutte contre les passoires thermiques.
Impact des passoires thermiques sur l’encadrement des loyers
Interdictions et restrictions pour les logements énergivores
La loi Climat et Résilience a profondément modifié les règles applicables aux logements mal isolés. Depuis le 1er janvier 2025, les logements classés G au DPE ne peuvent plus être mis en location. Cette interdiction s’ajoute au gel des loyers des passoires thermiques en vigueur depuis 2022.
Les propriétaires de logements F ou G font face à plusieurs restrictions :
- Interdiction d’augmenter le loyer lors des révisions annuelles ou des changements de locataires
- Interdiction du complément de loyer même en cas de caractéristiques exceptionnelles
- Obligation de réalisation de travaux pour retrouver une classe énergétique acceptable
Exemptions et assouplissements prévus
Face aux difficultés de mise en œuvre, plusieurs exemptions sont prévues pour permettre la location de logements G dans certaines situations spécifiques. Ces exemptions concernent notamment les cas de blocage en copropriété, les contraintes techniques ou patrimoniales, et les situations où les travaux seraient disproportionnellement coûteux.
Situation d’exemption | Conditions | Statut réglementaire | Justification requise |
---|---|---|---|
Blocage de la copropriété | Refus AGC de réaliser des travaux sur parties communes | En vigueur avril 2025 | Travaux privatifs possibles |
Contraintes techniques/architecturales | Travaux risquant de créer des pathologies du bâti | En vigueur avril 2025 | Note d’un homme de l’art |
Contraintes patrimoniales | Travaux refusés par autorité administrative | En vigueur avril 2025 | Décision administrative |
Coût disproportionné des travaux (en cours) | Travaux excédant 50% de la valeur vénale | Réforme en cours | Evaluation des travaux |
Travaux décidés par la copropriété (en cours) | Vote de travaux de rénovation énergétique | Réforme en cours | Décision de travaux |
DPE collectif au moins F (en cours) | DPE du bâtiment collectif classe F minimum | Réforme en cours | DPE collectif |
Sanctions et contrôles : ce que risquent les contrevenants
Amendes administratives pour dépassement de loyer
Les propriétaires qui ne respectent pas les plafonds d’encadrement s’exposent à des sanctions administratives significatives. Après mise en demeure restée sans suite pendant deux mois, ils peuvent être condamnés à une amende pouvant atteindre 5 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale.
Au-delà de l’amende, les propriétaires doivent rembourser au locataire les trop-perçus depuis la signature du bail, ce qui peut représenter des sommes importantes sur plusieurs années.
Type de non-respect | Sanction pour personne physique | Sanction pour personne morale | Délai | Remboursement |
---|---|---|---|---|
Loyer supérieur au loyer de référence majoré | Amende jusqu’à 5 000 € | Amende jusqu’à 15 000 € | 2 mois après mise en demeure | Oui, des trop-perçus |
Complément de loyer injustifié | Contestation possible devant la CDC puis tribunal | Contestation possible devant la CDC puis tribunal | 3 mois pour saisir la CDC | Possible selon décision |
Absence d’information dans l’annonce | Obligation de rectification | Obligation de rectification | 1 mois pour rectifier | Non applicable |
Absence d’information dans le bail | Demande de rectification du locataire | Demande de rectification du locataire | 1 mois pour rectifier | Non applicable |
Location d’une passoire thermique (G) | Sanctions possibles + obligation de travaux | Sanctions possibles + obligation de travaux | Variable selon la situation | Possible selon décision judiciaire |
Procédures de contestation pour les locataires
Les locataires disposent de plusieurs recours en cas de non-respect de l’encadrement. Ils peuvent d’abord tenter une résolution amiable, puis saisir la Commission départementale de conciliation (CDC) dans un délai de trois mois pour contester un complément de loyer. En cas d’échec de la conciliation, le tribunal judiciaire peut être saisi pour trancher définitivement.
Extension programmée : nouveaux territoires 2025-2026
Marseille et les métropoles candidates
L’encadrement des loyers poursuit son expansion avec plusieurs nouvelles candidatures acceptées. Marseille, deuxième ville de France, devrait appliquer le dispositif courant 2025, rejointe par l’agglomération d’Annemasse et l’intercommunalité Grand-Orly Seine Bièvre.
Cette extension touchera près de 1,5 million d’habitants supplémentaires, témoignant de l’appropriation croissante de cet outil par les collectivités confrontées à des tensions locatives importantes.
Territoire | Nombre de communes | Date prévue | Population concernée (estimation) |
---|---|---|---|
Marseille | 1 | 2025 | 870 000 |
Annemasse Agglo | 12 | 2025 | 100 000 |
Grand-Orly Seine Bièvre | 11 | 2025-2026 | 400 000 |
Cergy | 1 | 2025-2026 | 65 000 |
Rennes (incertain) | 1 | Incertain | 220 000 |
Nantes (candidature en avril) | 1 | En cours | 320 000 |
Débats sur la pérennisation post-2026
L’expérimentation étant prévue jusqu’en novembre 2026, les débats s’intensifient sur l’avenir du dispositif. Une proposition de loi déposée en juin 2025 vise à supprimer la date butoir et à pérenniser l’encadrement des loyers. Parallèlement, le gouvernement a lancé une mission d’évaluation dont les conclusions orienteront les décisions futures.
Impact économique et efficacité du dispositif
Résultats mesurés dans les villes pilotes
Les premières évaluations de l’encadrement des loyers montrent des résultats encourageants. À Paris, le dispositif a permis une baisse des loyers de 4,2% par rapport à la situation sans encadrement entre juillet 2019 et juin 2022, représentant 984 euros d’économies annuelles en moyenne par locataire.
D’autres villes comme Lyon, Lille, Bordeaux et Montpellier affichent des résultats similaires avec une diminution moyenne des loyers de 4,4% selon les études locales. Ces chiffres contredisent les craintes initiales d’une réduction drastique de l’offre locative.
Tensions persistantes sur le marché locatif
Malgré ces mesures, le marché locatif 2025 reste sous forte tension. Les loyers ont globalement augmenté de 3,3% au niveau national, dépassant l’inflation. La tension locative atteint des niveaux record avec un ratio moyen de 4,8 candidats par logement disponible contre 3,35 en 2024.
Cette situation s’explique par plusieurs facteurs : la diminution de l’offre due aux restrictions sur les passoires thermiques, la hausse des coûts de rénovation, et la sortie du marché de certains propriétaires découragés par la réglementation croissante.
Conseils pratiques pour propriétaires et locataires
Pour les propriétaires bailleurs
Vérifiez l’applicabilité : Utilisez les simulateurs officiels pour savoir si votre logement est situé en zone d’encadrement des loyers. Ces outils gratuits permettent de connaître précisément les loyers de référence applicables selon les caractéristiques de votre bien.
Calculez correctement votre loyer : Respectez scrupuleusement les plafonds en vigueur. En cas de caractéristiques exceptionnelles, documentez soigneusement les justifications d’un éventuel complément de loyer pour éviter les contestations ultérieures.
Anticipez les obligations DPE : Vérifiez la classe énergétique de votre logement et planifiez les éventuels travaux de rénovation. Les logements F et G font l’objet de restrictions croissantes qui impacteront votre capacité à fixer librement le loyer.
Pour les locataires
Vérifiez votre loyer : Consultez les loyers de référence de votre secteur pour vérifier que votre bailleur respecte l’encadrement. Les simulateurs en ligne permettent une vérification rapide et gratuite.
Contestez les abus : En cas de dépassement du loyer de référence majoré ou de complément de loyer injustifié, n’hésitez pas à engager une démarche amiable puis, si nécessaire, à saisir la commission départementale de conciliation.
Exigez les informations obligatoires : Votre bailleur doit mentionner dans l’annonce et le bail les loyers de référence applicables ainsi que la justification d’un éventuel complément de loyer.
Perspectives et évolutions attendues
Réforme du dispositif en cours
Pour répondre aux critiques et améliorer l’efficacité du dispositif, plusieurs ajustements sont en cours d’étude. La réforme envisagée pourrait assouplir certaines contraintes, notamment pour les propriétaires engagés dans des travaux de rénovation ou confrontés à des coûts disproportionnés.
Élargissement géographique probable
L’extension à de nouvelles villes semble inéluctable face à la persistance de la crise du logement. Rennes et Nantes étudient leur candidature, tandis que d’autres métropoles régionales pourraient suivre.
L’objectif affiché est de couvrir l’ensemble des zones où les tensions locatives justifient une intervention publique, tout en préservant un équilibre entre protection des locataires et incitation à l’investissement locatif privé.
Conclusion : un dispositif en pleine maturation
L’encadrement des loyers s’impose progressivement comme un outil incontournable de la politique du logement en France. En 2025, avec 71 communes concernées et de nouvelles extensions programmées, le dispositif démontre sa capacité à modérer les hausses de loyers tout en préservant l’offre locative.
Si les débats sur son efficacité persistent, les premiers bilans plaident pour une pérennisation et un élargissement maîtrisé du dispositif. Les propriétaires et locataires doivent désormais intégrer cette nouvelle donne réglementaire dans leurs stratégies respectives.